Le billet de Marie Gabrielle Miossec Le billet de Marie Gabrielle Miossec

«Je l’aimais tant, oui, que pour la garder, je l’ai tuée. » Cet extrait de la chanson Requiem pour un fou, interprétée par le chanteur Johnny Hallyday, révèle le fossé qui existe entre l’imaginaire des « crimes passionnels » et la réalité des 120 meurtres annuels commis par des conjoints (1). En 2019, ce sordide compteur affiche d’ores et déjà 101 féminicides.

Ces crimes concernent tous les milieux et tous les territoires. En zone rurale, la situation est aggravée par la difficulté de rompre le silence dans les villages où tout le monde se connaît. Le manque d’associations ainsi que de refuges, l’éloignement des hôpitaux, lieux où les femmes se libèrent plus facilement de leur lourd secret, n’arrangent rien.

On compte sept allers-retours entre la première fois où une femme battue quitte son domicile et son départ définitif. Des initiatives éparses existent en milieu rural pour aider ces victimes : appel à un « bon taxi » (Allier, Corrèze et Ardèche), sentinelles dans le Tarn pour aider à repérer des cas… Mais le maillage territorial reste très incomplet.

Alors, les mesures annoncées par le premier ministre (2), le 3 septembre dernier lors du lancement du Grenelle des violences conjugales, vont dans le bon sens : un accueil approprié des victimes par les forces de l’ordre, une mise en sécurité immédiate de la plaignante et de sa famille, un éloignement rapide du conjoint violent, des magistrats dédiés qui agissent vite. Et surtout, une formation pour tous, du gendarme au médecin en passant par les hommes de loi.

Certains voient de l’esbroufe dans ce déploiement. Certes, des moyens financiers manquent. Mais parler de ce scandale, sensibiliser l’opinion et éduquer les jeunes, c’est déjà agir. L’amour de l’un n’autorise ni les violences ni la mort pour l’autre.

(1) 14 % des victimes sont des hommes.

(2) Numéro de téléphone de la plate-forme d’écoute des femmes violentées : 3919.